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#3 - En 1986, elle me demandait des vêtements, en 2024, elle m'informe des coupures d'eau et d'électricité pendant 48h...

Dans la période d'avant internet (l'âge de pierre en somme :)), arrivaient dans les écoles des demandes d'adresses d'élèves qui, par le biais d'associations internationales, étaient relayées dans d'autres écoles du monde entier. Telles des bouteilles à la mer, des lettres étaient ouvertes à l'autre bout du globe et vous aussi, vous pouviez recevoir une missive d'une personne habitant un pays dont vous n'aviez jamais entendu parler. 

C'est ce qui m'est arrivé un jour de 1986, où j'ai reçu la lettre de "ma correspondante" en provenance de la Zambie. Dans cette lettre, Rita, qui avait le même âge que moi, me demandait des vêtements. A 14 ans, je n'avais que des mots à lui offrir, et c'est ce que j'ai fait depuis lors, et elle aussi. 

Nous avons correspondu ainsi par lettre pendant 15 ans puis, après un laps de temps de silence, où nous sommes toutes deux devenues maman, j'ai retrouvé Rita sur LinkedIN et nous poursuivons nos échanges, avec une heure seulement de décalage horaire mais 33 degrés de latitude de différence. 

Depuis un an, elle me parle de sécheresse comme d'un phénomène plus prégnant. En fait, nous avons les mêmes perceptions du dérèglement climatique mais bien sûr pas le même vécu. Aujourd'hui, elle m'écrit "we are even experiencing a crisis as a country, load shedding is becoming worse, maybe tow days without poser and water because of the drought we had. Just hoping we will have rains in th next months or so". 

Peut-on imaginer cela ? Peut-on imaginer partager l'eau que nous avons en trop ici et pas assez là-bas ?

Déjà à l'échelle de la France cette question se pose, notamment dans les Pyrénnées-Orientales, comme l'évoque Olivier Hébrard dans l'article "Pour lutter contre les sécheresses, favorisons les solutions inspirées de la nature" (Le Monde, 17/09/2024), où il précise que "les paysages à proximité de Perpignan où il est tombé moins de 300 mm durant les 12 derniers mois. (...). Combinée à une gestion inadaptée des milieux naturels, agricoles et urbains, mais aussi au principe illusoire d'une ressource en eau illimitée, cette sécheresse se transforme en une sévère sécheresse des sols, notamment agricole, et en une sécheresse hydrologique historique, c'est-à-dire en une baisse du niveau des cours d'eau et des nappes classée parmi les plus importantes depuis leur suivi"...

Elle se pose aussi à l'échelle de l'Europe entre les inondations à l'est et l'hyper sécheresse au sud. L'eau commence à transiter par bateau, comme à Barcelone. Elle génère des postures de guerre autour des mégas bassines.

Il y a quelques années déjà, je pensais que les collectivités devraient mettre en place des systèmes de rationnement automatiques de l'eau. En fait, je pense que c'est ce qui nous attend. Les systèmes de compteurs électroniques favorisent la maîtrise possible par les pouvoirs publics de la fourniture de l'énergie. Il pourrait en être de même pour l'eau. Il devrait en être de même pour l'eau. 

Au lieu de subir ces situations, nous devrions les choisir en s'appuyant sur les technologies pour mieux piloter l'usage de la ressource à l'échelle individuelle et collective. 

 Il est encore difficilement concevable que les situations de perte des ressources arrivent de manière massive, pourtant, c'est bien ce qui est en train de se passer. Les conséquences potentielles du dérèglement climatique sur le fleuve Rhône ont par exemple été décrites  (ici) dans une étude de l'hydrologie réalisée en 2023. Il est notamment question de baisse de la production électrique et de la vulnérabilité des centrales nucléaires, mais aussi des risques de conflits d'usages au niveau des différents tronçons du fleuve, etc. 

La crise liée à la covid-19 nous a fait entrer dans une ère d'une "discipline vitale" où le non respect de consignes pouvait porter atteinte aux vies humaines. Quel récit peut rendre le respect de ces consignes positif ? La contrainte pour l'un serait une vertu pour le collectif ? Comment l'intégrer sur le long terme comme un acte de solidarité, au niveau local et mondial ? Des questions qui trouveront certainement des réponses à l'épreuve des futurs événements...








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